Un musée, une histoire: celle du peuple Bamoun

Article : Un musée, une histoire: celle du peuple Bamoun
Crédit: Tourismo Cameroun va Wikimedia
15 avril 2024

Un musée, une histoire: celle du peuple Bamoun

Une nouvelle page de l’histoire Bamoun s’est écrite le 13 avril dernier. Le musée des rois a été inauguré à Foumban, par le Ministre des arts et de la culture Pierre Ismael Bidoung Kpwatt représentant personnel du chef de l’Etat.

Malgré ma présence à l’Ouest du pays, je n’ai pas pu y faire un tour. Car très occupée pour des affaires familiales à la chefferie supérieure Fotouni.

Néanmoins, je sais que c’était une cérémonie très courue. L’œuvre culturelle gigantesque et fort symbolique est désormais l’abri de l’histoire et de tous les objets d’art de ce peuple. Pour l’histoire et en cadence d’honneur, le musée des rois par un coup de ciseaux a pris l’onction officielle.

Invités et fils Bamoun à l’esplanade du musée. C : Le grand Noun via Facebook

L’architecture incarne les armoiries de ce peuple guerrier. La cloche à double gongs à l’entrée, un contour fait de serpent bicéphale et l’araignée au dessus.

Même s’il a fallu un peu plus de 11 ans pour y arriver, permets-moi de te conter l’histoire du serpent à deux têtes, symbole de ce musée.

Au commencement, était le royaume BAMOUN

Situé dans les montagnes de l’Ouest Cameroun, particulièrement dans le département du Noun, avec pour chef-lieu Foumban, ce royaume a été fondé dès le XIVème siècle par une dynastie d’origine Tikar.
Le roi Bamoun est de la dynastie de Nchare Yen.

J’avoue que l’expression « serpent à deux têtes » est souvent mal comprise lorsqu’elle est utilisée pour désigner les Bamoun. Cela est souvent associé à la sournoiserie et à la traîtrise. Pourtant, la réalité de ce symbole est autre. Moi-même je le pensais car ma mère en parlait souvent. Mais ça, c’était bien avant que je ne couvre le festival Ngoun et que l’histoire soit racontée par un vieillard.

Lire aussi : Le festival Nguon, aussi populaire qu’incontournable

Origine du serpent à deux têtes

L’origine de ce serpent est liée à la guerre de MAPOU qui a eu lieu vers le début du 19ème siècle entre le roi MBUEMBUE (MBUOUMBUO) d’une part et les POU de l’autre côté.

Les Bamoun se battaient contre les POU depuis quelques années. Mais ceux-ci résistaient farouchement. De plus, ils disposaient d’un monstre effrayant conçu pour semer la terreur dans le camp adverse chaque fois que ces envahisseurs les acculaient dans leur dernier retranchement.

Le monstre était appelé Sânumpût (haut jusqu’à mordre le ciel). C’était un reptile artificiel géant qu’on utilisait de telle sorte qu’il passait la tête au-delà des branches pour menacer les guerriers Bamoun.

Cet engin infernal avait été conçu par Manchou, un serviteur du roi de MAPOU. Un jour Manchou fut sévèrement réprimandé par son roi pour une vague histoire de repas au palais.

Vexé et blessé dans son amour propre, il fit défection et passa dans le camp du roi MBUEMBUE à qui il dévoila le secret du Sânumpût et en fit la démonstration devant les guerriers au palais de Foumban.

L’année suivante, quand cessèrent les pluies, le roi MBUEMBUE reprit sa campagne contre les MAPOU et lorsque sortit le monstre Sânumpût, aucun guerrier Bamoun ne recula.

Alors que les Bamoun étaient sur le point de vaincre les MAPOU ; ils furent attaqués sur la frontière Ouest au bord du Noun par les Mgbètnka’. Le roi envoya un contingent de ce côté pour stabiliser la situation.

Quand il battit le roi POU, le roi se porta sur les bords du Noun avec le gros des forces et il battit les Mgbetnka. Le roi Bamoun obtint une double victoire et pour célébrer sa victoire, il décida d’en faire un symbole : Le serpent à deux têtes.

Photo aérienne du musée Bamoun. C :Tourismo Cameroun via Wikimedia

Symbolisant la toute-puissance de ce peuple qui a vaincu deux ennemis en même temps. Comme récompense, MANCHOU devint un grand notable du palais Bamoun.

Le serpent à deux têtes est le symbole de la double puissance du roi MBUEMBUE. On sculpta désormais ce symbole sur les lits, les sièges et d’autres objets royaux exclusivement.

C’est donc ainsi que le 19e roi Ibrahim Mbombo Njoya signe la paternité et le 20e roi au trône Mforifoum Mbombo Njoya Nabil l’achèvement. Pendant de nombreuses années de réflexion et de travail acharné, le roi Ibrahim Mbombo Njoya a voulu laisser une trace indélébile à l’instar des illustres rois qui l’ont précédé tel son père.

13 avril 2024, jour historique pour le peuple Bamoun

Jour d’inauguration, jour d’allégresse, avec pour prestigieux témoin le représentant personnel du chef de l’Etat :

« J’adresse les félicitations du gouvernement à sa majesté Nabil Mforifum Mbombo Njoya, sultan Roi des Bamoun pour cette impressionnante réalisation »

félicite Bidoung Kpwat, ministre des arts et de la culture. Représentant personnel du chef de l’État.

À Foumban, ils sont venus nombreux, membres du gouvernement, du corps diplomatique, chefs traditionnels, hauts dignitaires et surtout les fils Bamoun mobilisés comme jamais.

Le musée bâti sur 3 555 m2 permettra l’exposition de la collection de quelque 12 500 objets d’art. Le coût de réalisation est estimé à près de 2 milliards de Francs CFA.

L’histoire architecturale de ces joyaux pour moi, devrait être un livre exceptionnel. Édouard Herriot n’avait pas eu tord lorsqu’il disait que la culture c’est tout ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié.

Je suis tellement heureuse de voir un peuple fier, conquérant, ambitieux, célébrer et mettre en lumière ses héros passés ; tout en se souvenant des aspects de son histoire tumultueuse.

C’est culturel et magique.
J’en suis fan. Et toi alors ?

Avec tout mon amour et mon respect, Badal.

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Commentaires

Brahim Allaou
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Merci 😊 pour ce travail qui m'a permis de comprendre certains angles dormants du peuple Bamoun dont j'ai vécu avec certains au Cameroun( Ngaoundéré). Hâte de lire un billet sur le mind-set de la jeunesse camerounaise.

Badal Fohmoh
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Je le rédigerai avec plaisir. J’y pense depuis un bout. Au plaisir de vous lire le plus souvent ici.