Le festival Nguon, aussi populaire qu’incontournable !

Article : Le festival Nguon, aussi populaire qu’incontournable !
Crédit: Festival Nguon
26 août 2022

Le festival Nguon, aussi populaire qu’incontournable !

Appelle-moi Badal Fohmoh, troisième du nom, originaire de la famille Kontchipa. Je suis une fille et pas un garçon. Je suis née à l’hôpital Laquintinie de Douala mais sur mon acte de naissance, il est écrit noir sur blanc que j’ai vu le jour à la maternité de Fotouni. C’est une petite localité située à 12 kilomètres de l’arrondissement de Bandja, dans le Haut-nkam. Là-bas, je suis chez moi et les villageois m’appellent princesse. Oui, je suis une princesse du royaume Fotouni. Tu l’as probablement deviné, je suis originaire de l’Ouest Cameroun et dans cette partie du pays, la tradition, les us et coutumes se perpétuent de génération en génération. Je vais te parler de l’une d’entre elles, aussi populaire qu’incontournable : le festival Nguon du peuple Bamoun, dans le Noun.

Le Nguon, kézako ?

Le Nguon est une fête traditionnelle biannuelle prenant place les années paires qui se déroule généralement la première quinzaine de décembre. Les festivités durent une semaine mais les cérémonies importantes se déroulent du vendredi après-midi au dimanche midi.

C’est un évènement permanent chez les Bamoun depuis la fondation de leur Royaume en 1384. L’Histoire rapporte que la fête du Nguon a souffert d’un passage à vide au XXème siècle. En effet les autorités coloniales françaises ont interdit sa célébration à partir de 1924, sous le règne du célèbre roi NJOYA, 17ème souverain du Peuple Bamoun.

Sous embargo depuis lors et menacé de disparition, le Nguon a refait surface deux décennies plus tard sous le règne du roi Seidou NJIMOLUH qui en a convoqué les assises à quatre reprises :

– en 1958, à la faveur de l’inauguration de la grande mosquée de Foumban ;

– en 1963 pour fêter ses 30 ans de trône ;

– en 1976 pour accompagner les premières Journées Culturelles et Économiques du Peuple Bamoun ;

– en 1985 pour marquer le cinquantenaire de son règne et le centenaire de la naissance du roi NJOYA célébrés simultanément avec l’inauguration du Palais Royal de Foumban.

Un an après son accession au trône le 10 Août 1992, le roi MBOMBO NJOYA a organisé les assises du Nguon pour la première fois du 27 Juillet au 10 Août 1993. Cet événement inédit a rythmé le premier anniversaire de son règne et consacré le retour en grâce de l’assemblée traditionnelle et culturelle du Peuple Bamoun.

L’année suivante, en 1994, la réapparition du Nguon s’est confirmée. L’événement est organisé du 16 au 18 décembre et placé sous le signe des 600 ans d’histoire du Royaume Bamoun. A cette occasion Sa Majesté Ibrahim MBOMBO NJOYA décide avec son peuple que la fête du Nguon qui a repris droit de cité se célébrera désormais tous les deux ans. Une périodicité jusque-là respectée à travers des rendez-vous qui ont gagné en ampleur d’une édition à l’autre. En 2010 s’est déroulé le 543ème festival du Nguon.

L’apogée des célébrations

Le vendredi soir : Au début de la célébration, toutes les lumières (intérieures et extérieures) du palais du roi Bamoun sont éteintes. Dans l’obscurité totale, les possesseurs du Nguon (une société secrète) font leur entrée dans la cour du palais en jouant de leurs tambours à friction qui produisent un son fort et particulier. Une sensation mystique envahit l’espace au moment de leur entrée dans le palais. Les lumières ne sont allumées qu’après l’entrée du dernier possesseur du Nguon dans la salle.

A minuit, le roi rend visite aux possesseurs du Nguon. Ils l’entretiennent des griefs du peuple Bamoun dont l’annonce publique sera faite le lendemain matin. Après le briefing, ils passent la nuit au palais en jouant de leurs instruments et en dansant.

Le samedi : Le matin, les possesseurs du Nguon commencent par faire le tour du palais. Ils visitent les résidences des reines demandant l’aumône. Ils se rendent ensuite dans la cour principale du palais pour participer à la cérémonie du Sha’pam. Pendant ce rite, les Fons Nguon (chefs du Nguon) apportent chacun au roi un sac qui contient des mélanges d’écorces aux pouvoirs mystiques. A tour de rôle, le roi retire du sac de chaque chef ses mélanges et les met dans son propre sac. Pour l’aider à gouverner comme il se doit le royaume.

Lorsque le Sha’pam est terminé, le roi sort du palais avec tous les insignes et attributs royaux. Il se rend à pied à la cour du Nja où il est face au peuple. A ce moment précis, le roi et tous les habitants du royaume sont des citoyens avec des droits démocratiques égaux, et pour cette raison, le roi est debout et dépourvu de son trône. Alors, deux membres de la société secrète Mut-ngu dénommés Pa-nda mut-ngu (porteurs des lances de la justice, couverts de la tête jusqu’aux chevilles avec un tissu léger) plantent leurs lances (dénommées Ku-mut-ngu) autour du roi, donnant symboliquement l’assurance que le roi sera jugé avec équité.

Le peuple, qui a patiemment attendu depuis deux ans, égrène avec empressement ses griefs et formule toute critique qu’il juge nécessaire à l’encontre du roi, de son entourage et sur sa manière de gouverner le royaume. Le roi doit donner des réponses directes à leurs critiques et faire des promesses de solution à leurs problèmes. C’est seulement lorsque le peuple aura manifesté sa satisfaction par rapport aux réponses du roi, que les possesseurs du Nguon l’autorisent à se réinstaller sur le trône. Un mouton est sacrifié dans le but de rendre un fervent hommage aux ancêtres. Cet acte marque la fin des cérémonies rituelles de la journée. En début d’après-midi, le roi visite les stands d’exposition des artistes, des artisans, des planteurs, des communautés Bamoums de l’hexagone, etc. La soirée se poursuit avec plusieurs activités festives.

Dimanche : Vers 4h00 du matin, le tambour nkindi (tambour de 3,55m de long ; 1,17m de hauteur ; 1,3m de diamètre) résonne pour annoncer au peuple Bamoun qu’il est temps de se rendre à la cour du Nja. Le peuple et l’armée royale revêtent immédiatement leur tenue de guerre et se dirigent vers la cour du Nja pour attendre le roi. Cette coutume est connue sous le nom de Fit nkindi.

Vers 5h00 du matin, le roi et son entourage se rendent à la cour du Nja pour retrouver les guerriers. Le roi et sa suite escortent les guerriers jusqu’aux limites de la ville de Foumban, envoyant ainsi symboliquement les guerriers au champ de bataille. Cette cérémonie, dénommée Sho’melue, est exécutée en mémoire du grand guerrier Bamoun, le roi Mbouombouo, 11ème roi de la dynastie Bamoun.

Environ trois heures après, le roi, son entourage et les guerriers retournent à la cour du Nja en exécutant des chants de victoire, avec en main des lances au bout desquelles sont enlacées des branches de la plante Nkunku, qui est le symbole de la paix dans la culture Bamoun. Le Nkunku enlacé sur le fer de lance représente symboliquement les têtes de tous les ennemis vaincus. Dans la cour du Nja, le roi et le reste de la population vivent une simulation des faits de guerre victorieux. Les guerriers exécutent la danse de victoire dénommée Ngu, qui clôture les manifestations du Nguon.

Comment y participer ?

Pour y participer, il suffit d’obtenir une invitation (gratuite) auprès du comité d’organisation du Nguon. Elle vous permettra d’accéder aux tribunes érigées dans la cour du Nja en vous permettant de bien observer les cérémonies rituelles. Attention aux arnaques assez fréquentes à cette période car certains essayent de monnayer de fausses invitations. Sans invitation ou laisser passer, il est impossible d’accéder à la cour du Nja, donc d’assister aux cérémonies.

Pour l’hébergement, quelques hôtels existent dans la région mais il est conseillé de réserver assez tôt pour obtenir les quelques places disponibles. L’autre solution consiste à vivre chez l’habitant en fonction des connaissances que vous pouvez avoir. La deuxième solution est beaucoup plus intéressante car elle permet de vivre véritablement les festivités.

A signaler que malgré la foule, assez nombreuse, le peuple Bamoun fait preuve d’une très grande hospitalité à l’occasion du Nguon. C’est la matinée du dimanche qui reste la plus haute en couleurs avec la marche des guerriers. A cette occasion, il vaut mieux éviter de rentrer dans la foule avec des jeunes enfants car les mouvements de foules sont souvent imprévisibles compte tenu de la ferveur de la population qui veut absolument voir et toucher le Sultan lors de la marche. Le trajet aller retour du palais à la porte de la ville fait environ 5 km, réalisé en 3 heures.

Le festival Nguon est une fête incontournable à laquelle il faut absolument participer pour mieux comprendre la culture Bamoun, et il est largement ouvert aux invités. L’émergence du COVID-19 a empêché la célébration de ce festival en 2020 qui, on espère, pourra se faire en cette année 2022.

J’espere te conter très bientôt mon séjour durant cette période. En attendant, que sais-tu du peuple Bamoun ?

Bien à toi !

Badal

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