14 mai 2024

Conflit au sommet du football camerounais

Nommé nouveau sélectionneur de l’équipe nationale du Cameroun par le ministère des Sports et de l’éducation physique (Minsep), Marc Brys a débarqué au pays malgré l’imbroglio entourant sa situation. Un choix qui a provoqué la surprise générale.

La Fecafoot de Samuel Eto’o a constesté la nomination, le 2 avril dernier, du belge Marc Brys à la tête de la sélection fanion des lions. Décision qui, selon l’instance, relève de ses prérogatives.
Outre le technicien belge, plusieurs personnalités nommées pour rejoindre l’encadrement de la sélection entretiennent des relations connues mauvaises avec Samuel Eto’o. Parmi eux, les anciens internationaux Alioum Boukar et François Omam-Biyik, qui intégreront le staff technique de Marc Brys, avaient déjà occupé ces fonctions sous la direction du sélectionneur portugais Antonio Conceiçao.

Invoquant le décret présidentiel du 26 septembre 2014 portant organisation et fonctionnement des sélections nationales, la Fecafoot estime que la gestion sportive, technique et administrative de celles-ci relève de sa compétence. La position ferme de la Fecafoot n’a cessé de faire réagir le ministère des Sports.

Alors que tout le monde faisait débat sur la loi locale, qui est dans son droit ou pas, il était important d’évoquer la notion d’ingérence et le fait que la FIFA ne tient pas compte du tout des lois locales. La FIFA a interpelé la Fecafoot sur les mécanismes de nomination de l’encadrement technique et administratif de la sélection A masculine et la Fecafoot s’engage à mettre en œuvre les recommandations.

Certains semblent oublier que chaque association membre de la FIFA se doit de jouir d’une indépendance et d’une autonomie qui la préserve de toute ingérence indue de la part de tiers, qu’elle soit étatique ou autre. Les associations membres de la FIFA sont statutairement tenues de gérer leurs affaires de manière indépendante et sans influence indue de tiers.

Quelques heures après le rappel à l’ordre de la FIFA concernant la confusion entourant cette nomination, le secrétaire général de la Fecafoot a publié une décision du comité d’urgence de l’instance fédérale. Ce communiqué présente le nouveau staff technique des Lions Indomptables, proposé par la Fecafoot. Le 8 mai dernier, la Fecafoot a dévoilé sa liste à la suite d’une session d’urgence du comité exécutif. Le bras de fer se poursuit donc entre les deux instances (Minsep – Fecafoot) après les lettres du 7 mai, un nouveau rebondissement entre dans l’arène avec cette liste de la Fecafoot.

Le comité confirme Marc Brys comme sélectionneur et ses assistants au regard « des sacrifices financiers déjà consentis par le gouvernement pour faire venir une expertise étrangère dans un souci d’apaisement ». Le reste du staff préalablement nommé par le ministre, a été remplacé.

Dans le respect de la correspondance de la FIFA, qui stipule que « Les décisions relatives au recrutement des membres des structures d’encadrement doivent rester exclusivement du ressort du comité exécutif de la Fecafoot », le comité d’urgence a nommé de nouvelles personnes pour travailler aux côtés du technicien belge.

Mouelle Kombi contraint à l’abandon ?

Quelques heures après la publication de ce staff technique, la FIFA a rapidement mis à jour l’encadrement technique des Lions sur son site internet, en se basant sur les choix de Samuel Eto’o. Cette action confirme que les dirigeants du football mondial approuvent ce staff technique, car ils ne travaillent qu’avec les fédérations et non les gouvernements.

Face à ce fait, le ministre des Sports, représentant du gouvernement camerounais, est systématiquement contraint de suivre et d’approuver les choix de la fédération. Cependant, le Pr Mouelle Kombi conserve une carte maîtresse pour prolonger cette confrontation. « Le gouvernement, en tant que pourvoyeur des salaires des membres de l’encadrement technique, a un droit de regard sur leur désignation », ainsi paraphrase le Minsep.

En attendant la réponse de l’équipe de Kombi, la FECAFOOT a sollicité le Ministère des Sports pour la création d’un comité de travail et de réflexion sur la convention MINSEP/FECAFOOT concernant la gestion technique de l’équipe nationale de football du Cameroun.

D’une bataille à l’autre, la lutte pour la désignation de l’encadrement technique de l’équipe nationale du Cameroun atteint son paroxysme.

Mon commentaire

Cette situation a permis à tous de découvrir les textes qui encadrent le football 237, et en particulier l’équipe nationale. Cela me permet surtout de comprendre que les ministres peuvent bosser s’ils veulent.

Pas de Mourinho, Conceicao, Renard ou encore SaintFiet. Quand je lis certaines réactions, je me demande si on est vraiment réalistes ? Qui voudrait diriger cette sélection dans l’état actuel surtout quand on voit ce qu’il se passe tout autour ?

Marc Brys allait-il diriger les Lions Indomptables, nommé dans le dos de la Fecafoot d’après elle ? Pour moi, la question fondamentale était de savoir comment définit-on l’ingérence ? Le pouvoir politique ne peut pas exiger la démission ou le départ d’un dirigeant d’une fédération, mais peut-il contourner la Fecafoot sur ces nominations ?

Les conséquences de l’ingérence, j’imagine que tout le monde en est conscient… Alors : ingérence ou pas ? Quand c’est le dirigeant d’une fédération, c’est ingérence. Qu’en est-il pour un coach et un staff ?
Il faut surtout intégrer qui emploie pour quel projet sportif qu’on nomme ? Qui signe le contrat ? Si on est dans une mise à disposition, rien n’indique qu’elle s’impose parce que les deux entités ne peuvent ramer à contre-courant.

Mais, je me demande toujours comment un professeur agrégé de droit public peut-il vraiment être en train d’expliquer aux camerounais que le principe de légalité de l’action administrative compte pour du beurre et que le gouvernement peut donner aux actes réglementaires le sens qui lui plaît, fût-il illégal ?

On en rit ?

Le ministre et le militant ont déshabillé l’agrégé, c’est incroyable.

Si le Ministre était si convaincu de la légalité de la convention qu’il invoque avec frénésie, il n’aurait pas besoin de motiver l’opération réalisée en brandissant tour à tour :

  • les hautes instructions
  • la nécessité impérieuse de redorer le blason de l’équipe nationale
  • les piètres performances de l’équipe sous l’ancien sélectionneur
  • la cherté des offres proposées par la fédération
  • la règle inédite selon laquelle l’État recrute parce qu’il paye.
  • Imminence de compétitions

Au contraire, je trouve qu’il devrait au moins avoir honte pour plusieurs raisons :

  • le passé dont il évoque dans son corpus, la fédération était consultée et donnait son avis. C’est pourquoi il n’y avait pas de bruits.
  • cette fois, du fait des griefs avec Samuel, ses amis et lui, veulent absolument écarter ce dernier du processus
  • Mr le ministre est censé maîtriser parfaitement la notion de la hiérarchie des textes en droit en tant que juriste chevronné
  • le président de la République n’a nullement dit dans son discours d’écarter la Fecafoot du processus.
    Par conséquent, je crois au possible processus avec la Fecafoot comme acteur majeur.

Tout ce qu’évoque le ministre n’est que poudre aux yeux parce qu’au fond ce sont des arguments d’autorité, car il est bien conscient que la prétendue légalité de la convention qu’il excipe ne résiste pas une seule seconde au contrôle de légalité.

« Lex posterior », « Lex spexialis ». Mdr !

L’agrégé aurait-il oublié (niveau L1) que la lex posterior/lex specialis n’évincent ou ne dérogent à la lex priori/lex generali que si (1) elles lui sont égales ou supérieures et (2) qu’elles sont conformes à la hiérarchie des normes ?

Comment peut-on faire passer une « convention » entre un démembrement de l’État (acte contractuel) au-dessus d’un Décret (acte réglementaire) ?

On est chez les fous au Cameroun c’est vrai mais il est parfois bon de rappeler les principes avant de convenir de les piétiner.

Qu’ils cessent de nous prendre pour des demeurés !
Ma tristesse ici, c’est qu’il s’agit de l’argent public, l’argent payé par les camerounais à la sueur de leur front.

Sinon, comment comprendre qu’un ancien conseiller spécial du président de la République, agrégé de droit public, chef traditionnel d’une grosse communauté, à moitié chauve, et à la moustache noircie, se retrouve dans un pugilat de bas de gamme sur la place publique ? Avec qui ? Un ancien footballeur mon Dieu !

De tout ce spectacle, l’une des leçons essentielles que je retiens au moins est que le gouvernement peut donner des explications des actes qu’il pose. Mais pourquoi ce n’est toujours pas le cas quand cela concerne la population ?

Un professeur qui choisit un entraîneur devant un ancien footballeur, je le vois comme un chirurgien qui vient expliquer la maçonnerie à un ingénieur en bâtiment. Ça résonne dans ta tête ? Rire. Il n’y a qu’au Cameroun que c’est possible.

On parle comme ça, peut-être Marc ambitionne de briss avec les lions hein ? (rire). En toute objectivité, si c’était moi l’entraîneur, j’aurais déjà démissionné. Comment vendredi, je suis avec mon équipe nommée par le MINSEP. Et lundi, je fais la photo avec mon équipe nommée par la FECAFOOT ? (rire)

Je pense que Marc Brys a compris hier la phrase : « Si on t’explique le Cameroun et que tu comprends c’est qu’on ne t’a pas bien expliqué. » (MDR.)

Marc Brys et son staff nommé par la Fecafoot. Crédit : Raphaël Manyaka (avec son consentement)

À défaut d’accepter ce staff proposé par la Fécafoot, j’espère que tu n’as pas besoin d’être un églisien pour conclure avec moi que le ministre expose le Cameroun à des sanctions pour ingérence politique dans la gestion de l’équipe nationale. Et par conséquent, une suspension du Cameroun pour les prochaines échéances. Que dit le président Paul Biya ?

À propos, la guerre des Kombi est-elle terminée ? Ou alors, c’est clair que Eto’o a Brys sans ses Kombi ?

Donne-moi ton avis en commentaire…

Partagez

Commentaires