Les influenceurs influencent-ils vraiment ?

Article : Les influenceurs influencent-ils vraiment ?
Crédit: Iwaria
13 avril 2023

Les influenceurs influencent-ils vraiment ?

Le titre de cet article ressemble un peu à un sujet de philosophie. Une question qui paraît évidente mais à laquelle on n’a pas vraiment de réponses. Et si réponse il y a, elle diffère radicalement d’une personne à une autre. Cet article tente de traiter le thème des influenceurs d’un autre angle.

Si tu t’attends à lire le Top 10 des meilleurs influenceurs du Cameroun, de la Côte d’Ivoire ou du Tchad, eh ben, tu sera déçu(e). Je laisse le soin à mes confrères et consœurs du marketing, ainsi qu’à Instagram, Facebook et Youtube, de vous présenter la liste des influenceurs tous beaux, tous chauds.

Par contre, depuis quelques mois au Cameroun, il se passe des évènements qui au-delà de me surprendre, me laissent bouche bée et j’ai parfois même l’impression d’être dans un autre monde. Les jeunes veulent tous être populaires et réussir sur les réseaux sociaux plus que dans la vraie vie. Au fait, j’ai fini par comprendre qu’ils veulent tous être comme ces influenceurs qu’ils admirent à longueur de journée sur la toile.

Influenceur, un terme à la mode

Qui sont ces influenceuses et influenceurs ? Ceux qui ne payent ni leurs billets d’avions, ni leur paires de baskets (ou de fesses) dernier cri, ni leurs séjours tout-compris dans de luxueux 5 étoiles.

Rien de surprenant, puisque que le but des influenceurs, et des marques qui les chaperonnent, est de te faire consommer toujours plus, et de te faire acheter des choses venues de toujours plus loin et toujours plus différentes, car tu as envie de te démarquer. Et oui, tu as une sacro-sainte horreur de ressembler à toutes tes pâles copies qui pullulent sur Instagram – qui soit dit en passant, sont influencées par les mêmes influenceurs que toi… Bref ! Il y a de quoi devenir chèvre !

Qui dit influenceurs, dit implicitement… influençables ! Dans son livre L’art d’influencer : analyses des techniques de manipulation, Mucchielli (2009) nous explique que :

« Toute communication constitue une tentative d’influence.« 

Mucchielli

Les phénomènes d’influence, de persuasion, de propagande, et de manipulation seraient donc consubstantiels à la communication. Alors, parlons-en des influençables, de ceux qui « subissent » les influenceurs.

Jeunesse et influence

Parlons-en de cette masse d’individus comme toi et moi, ces « suiveurs »… Ah oui, c’est vrai que c’est plus tendance de dire « followers » plutôt que « suiveurs ». En effet, il y a un petit côté mouton de Panurge dans le mot « suiveur ». Le mouton étant réputé pour être un animal peu intelligent, on emploie aujourd’hui l’expression suivre comme un Mouton de Panurge pour désigner une personne qui se plie à un règlement sans réfléchir à son bien fondé : peu flatteur !

LIRE AUSSI

Ados : résister ou craquer ?

Quand j’étais plus jeune, mes aînés avaient beau jeu de se vanter d’avoir un demi-million de salaire ! Avec le même revenu mensuel, dans la conjoncture internationale actuelle, tu commences à peine à sortir de la pauvreté ! Il fût un temps où, avec un salaire mensuel allant de 300 à 600 000 FCFA, on disait joyeusement, à ton sujet, que tu es de la classe moyenne : ni pauvre, ni riche. Un privilégié. J’ai bien le sentiment que tout cela a volé en fumée !

La classe moyenne, symbole des équilibres sociologiques et de la maîtrise de la fracture sociale, tend manifestement à disparaitre. Sans qu’on ne sache vraiment par quels moyens les influenceuses sont devenues influentes, riches, très riches (du moins, à ce qu’elles disent et font voir). Elles ont convaincu une part de notre jeunesse, sur l’idée qu’il suffisait de pas vraiment grand-chose, pour se payer le luxe d’une nuit Parisienne, déjeuner à Dubaï, et dîner au Hilton de Yaoundé ! Est-ce donc si facile d’amener les gens a suivre sa tendance ?

C: Iwaria

Mon amer constat

On veut convaincre la jeunesse de ce pays qu’aller à l’école normalement et chercher un travail est la mauvaise voie. Que si tu ne fais pas des vidéos sur les réseaux sociaux, ne joue pas dans une série, ne te déshabille pas ici et là ou ne fait pas plus ou moins la musique, tu ne peux pas t’en sortir.

Tout message qui va dans le sens contraire est classifié de rêveur, d’ennuyeux, de pas assez sexy pour se faire entendre. Avec la vie est dure, c’est naturellement plus facile de devenir une célébrité au Cameroun quand tu fais dans la distraction.

LIRE AUSSI

Afrique et tourisme : pourquoi pas le marketing territorial ?

Les camerounais ne veulent plus trop réfléchir… Ils ont pour modèle croqueuse de diamant, une jeune femme qu’ils proclament « influenceuse » et qui doit sa popularité au fait de distribuer de l’argent à partir de minuit sur Facebook.

Mais si tu fais dans du contenu sérieux, je peux juste te dire de tenir bon. Au vu de ce qui se passe sur Facebook, c’est facile de se décourager, de virer dans le japap (Kongossa). Tiens bon ! Le temps du travail viendra. Qu’on le veuille ou pas.

Les cadres ne font plus rêver

Même si les cadres, les fameux cadres, eux, sont de plus en plus pauvres. Pire, ne font plus rêver. Plus personne ! L’heure vient, et elle est déjà là, où il sera de plus en plus compliqué de rester vertueux dans ce monde de plus en plus difficile. Il faut pourtant le demeurer et travailler dur, très dur ! Toujours travailler, et dans l’intégrité ; afin que la vie continue d’être vivable. Et que demain soit plus beau.

Certes, le fait d’être influenceur mode, beauté, cuisine… est aujourd’hui devenu un métier à part entière qui peut rapporter des millions. Cependant, j’ai eu, pour ma part, bien du mal à démontrer mon émerveillement quand une fille a proclamé, non sans une pointe d’arrogance :

« Mon job c’est influenceuse ! J’ai 1 million 450 000 followers sur Facebook et 600 900 sur Instagram. Et j’ai encore plus de mal avec les ‘Waouh félicitations ! C’est génial !‘ »

Une influenceuse

Dans la vraie vie, le fait d’être un suiveur, un influençable, est souvent connoté négativement. Tout comme le sont les notions de persuasion, de propagande, et de manipulation, qui portent souvent un implicite négatif. Alors pourquoi accepter, en ligne, d’être un « influençable » ? Et pire, pourquoi être béat devant l’influence qu’un individu exercerait sur toi ?  Et ainsi concéder une part de ton esprit critique à autrui ?

Discutons en plus en commentaire.

Avec tout mon amour !

C: Badal Fohmoh
Partagez

Commentaires