Football camerounais : vers une fin de la crise ?

Article : Football camerounais : vers une fin de la crise ?
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31 mai 2024

Football camerounais : vers une fin de la crise ?

Le conflit au sommet du football dont fait face le pays de Roger Milla depuis bientôt deux mois n’a que trop duré. Entre convocations, altercations, virements, affectations disciplinaires, démissions… il y a eu du tout pour attirer l’attention des uns et des autres cette semaine.

Tout a commencé par la convocation de Marc Brys à une réunion de travail à la Fecafoot. Venu accompagné du staff nommé par le ministre des sports, ainsi que de monsieur Cyrille Tollo, conseiller auprès du même ministère, Marc Brys n’a duré que quelques minutes au siège de la fédération.

Affectations disciplinaires ou aveu de faiblesse ?

Après la mise à pied de Marc Brys par la fédération, mardi, le ministre des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, a contre-attaqué mercredi en contraignant le staff du sélectionneur intérimaire nommé par Samuel Eto’o.

David Pagou, nommé la veille par le président de la Fecafoot au poste de sélectionneur adjoint, a été affecté à Salapoumbé, commune située dans la région Est, à 788 kilomètres de Yaoundé, la capitale politique du Cameroun.

Ce professeur d’EPS (éducation physique et sportive), qui était jusqu’alors entraîneur du Stade Renard, club d’Elite One basé à Melong dans la région du Littoral, devait donc mettre le cap sur l’Est du pays.

Décision d’affectation faite par le ministre. Crédit : Allez les lions (avec leur consentement)

Tinkeu Nguimgou Narcisse est dans la même situation. Le préparateur physique désigné par la Fecafoot a été muté à Moloundou, dans la région Est, à 811 km de Yaoundé. Professeur d’EPS, donc fonctionnaire du ministère des Sports et de l’éducation physique, il occupait jusqu’alors un poste à l’Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS).

Décision d’affectation faite par le ministre. Crédit : Allez les lions (avec leur consentement)

Le grand rescapé de ces affectations dites disciplinaires c’est Martin Ndtoungou Mpile, déjà à la retraite. Le sélectionneur intérimaire doit communiquer ce jeudi sa liste en vue des prochains rendez-vous face au Cap-Vert puis à l’Angola, les 8 et 11 juin prochains.

Démissions ou refus de payer les pots cassés ?

Tout a commencé hier matin avec la démission de David Pagou, adjoint de Martin Ndtoungou Mpilé, l’entraîneur intérimaire nommé par Samuel Eto’o. La conférence de presse que devait organiser ce dernier a ensuite été décalée, puis les autres ont démissionné à la mi-journée.

Dans le même temps, la Fecafoot a convoqué Marc Brys, l’assistant de Martin Ndtoungou Mpilé, et le préparateur physique – tous deux nommés par le ministre des Sports – à une séance de travail.

C’est finalement peu avant 13 heures que Marc Brys est arrivé à la fédération. Selon les informations de RFI, après une rencontre avec Samuel Eto’o, toutes les parties devraient se retrouver chez le Premier ministre pour tenter de trouver un compromis.

Samuel Eto’o, Marc Brys, son assistant Mununga, Dissake Mbarga et Celine Eko. Crédit : Allez les lions (avec leur consentement)

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Eto’o-Brys : la paix des braves

Après plusieurs tractations au ministère des sports, à la Fecafoot, à la primature et même à l’ambassade de Belgique, c’est désormais la paix entre Marc Brys et Samuel Eto’o.

Samuel Eto’o et Marc Brys riant en conférence d epresse. C: Allez les lions (avec leur consentement)

La réunion de ce jeudi est sans doute un grand pas vers cette sortie de crise.

Mon commentaire

Il est important de comprendre l’origine de la crise entre le Ministère des Sports et de l’Éducation Physique (Minsep) et la Fédération Camerounaise de Football (Fecafoot).

Le ministre des sports, dans son bureau, décide de sa propre initiative de recruter un sélectionneur sans concertation préalable avec la Fecafoot. Il induit la présidence en erreur, en déclarant qu’il a trouvé un staff et une équipe dirigeante. La présidence croit alors que le ministre a agi de commun accord avec la Fecafoot, car le personnel dont la Fecafoot est responsable est inclus dans la liste des propositions. La présidence valide.

Lorsque Eto’o se rétracte, la présidence se rend compte de l’erreur, mais il est trop tard. D’où le staff hybride, imposé par la présidence. Mouelle Kombi, voyant qu’il a perdu la face, veut forcer les choses. Que dira-t-il à Banlok, Omam, et autres? Il ne veut pas perdre la face et expose le Cameroun à la risée de la communauté internationale. La crise perdure jusqu’à hier.

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Chacun peut juger et comprendre que si cela n’avait pas été Samuel Eto’o, les choses se seraient passées autrement.

Tout le monde peut juger la petitesse de certains dirigeants et leur incurie manifeste. Le nouveau staff hybride est connu de tous.

Mais, il est aussi bien que les gens ne se méprennent pas.

Comme au damier, un pas sur le côté et le jeu est ouvert. Eto’o viens de créer une brèche. Le texte on s’y appuie, s’y maintient et on en assume les conséquences.

Personne ne trompe Eto’o en le soutenant. Je doute qu’on puisse l’influencer dans un sens comme dans un autre. Il est assez grand pour prendre ses décisions et en assumer les conséquences.

Mais pourquoi certains, qu’ils soient pro ou anti Eto’o, se sont réjouis de son coup de gueule ? Parce qu’il leur permettait d’exprimer les frustrations d’un peuple quotidiennement malmené et intimidé avec interdiction de pleurer.

Eto’o a t-il eu raison ou tort ? On peut débattre sans fin dessus… Il aurait pu faire différemment ou pas… Mais la vérité ? Lui n’est pas un rienton comme nous autres qui auraient connu des sorts plus funestes s’ils avaient osé faire ce qu’il a fait.

N’est-ce pas si tu chiffonnes un ponte ou affilié de ce gouvernement, on te soulève comme la feuille pour te balancer au gnouf en chargeant ton dossier des accusations telles que rebelle, refus d’obtempérer, trouble à l’ordre public et que sais-je encore ?

Derrière l’acte d’Eto’o, certains y voient de la rébellion, un acte de bravoure, le refus de se laisser intimider… Ils y voient un encouragement à faire pareil… de plus en plus… de ne plus accepter de se faire intimider.

Peut-être cela est-il éphémère, inutile, la preuve qu’il est mauvais dans son rôle, qu’il est imbu ou au contraire qu’il est plus rusé qu’on ne le croit… Mais lorsqu’un peuple en vient à rêver de coup d’état pour mettre fin au règne de terreur de certains, les gestes Eto’onants du 9 national viennent souffler une lueur d’espoir pour certains.

Et ce n’est pas l’arrogance de certains à vouloir rappeler son quartier d’origine, sa supposée absence d’éducation, les pires vices qu’on lui attribuent ou à se croire meilleur que lui qui y changeront quelque chose.

Face au Moulinex… on ne devrait jamais se réjouir des actes du Moulinex, car les arrestations abusives, les interdictions de se réunir ou d’entrer sur le territoire, les intimidations et autres abus de pouvoir sont le quotidien de nombreux Camerounais même de ceux qui essaient d’être de bons citoyens.

En stratégie de guerre, lorsque ton adversaire commence à donner des coups non conventionnels cela signifie qu’il est atteint.

C’est l’expression de la désillusion. Il est sur le point de rendre son souffle, cela traduit aussi la perte de la confiance en soi. Le ministère s’est vu vaincu et il a signé des affectations croyant arrêté Eto’o. Pour moi, c’est la preuve qu’il n’y a jamais eu de hautes instructions.

Les Camerounais doivent surtout comprendre qu’une convention n’annule pas les textes qui la précèdent et sa portion qui accorderait au Minsep (ministère des Sports et de l’Education physique) la prérogative des recrutements reste très floue. En plus, elle est limitée par l’aval de la Fecafoot au niveau de la FIFA, alors qu’à l’inverse la FIFA peut valider un recrutement de la Fecafoot sans l’avis du Minsep. Du coup, je pense que cette convention, comme toute convention d’ailleurs n’a qu’une valeur contingente, elle visait à régler une situation urgente et ponctuelle à un moment donné. Vouloir la mettre en avant aujourd’hui relève de la mesquinerie politique. Il n’y a peut-être pas ingérence, mais, il y a plus grave: c’est de l’imposture. Et pourquoi dans un souci d’apaisement, puisque le torchon brûle, le Minsep n’a attrapé la perche tendue par la Fecafoot ? On retient votre coach, mais on modifie le staff.

Pourquoi pas ? Des deux qui est intransigeant ? Qui refuse le dialogue et le compromis ? On parle du ministre des Sports ou du football ?

On peut reprocher à Eto’o des égarements dans sa gestion et autres, comme à tout homme d’ailleurs, mais pour cette cause, je suis à fond avec lui. Ce n’est plus un simple combat pour le football, loin de là. C’est un combat pour le respect des textes, pour la légalité et partant, pour la liberté. Njoh Mouelle disait :

« La liberté commence par la décision de dire non. »

Ebenezer Njoh Mouelle, auteur camerounais.

Eto’o leur a dit non.

S’il y a une chose sui a attiré mon attention, cest bien le représentant du Minsep, M. Dissake – un homme que je respecte – est apparu sur la photo de famille et lors du point de presse du président Eto’o, pour reconnaître (de manière tacite) la part de prééminence et de préséance qui revient à la fédération camerounaise de football, tout au moins, en ce qui concerne le fonctionnement de l’encadrement technique des Lions Indomptables. La présence de Dissake plutôt que celle de Tollo, le trublion, est la preuve même que des tractations ont eu lieu, dans le but de rechercher de manière concertée une voie de sortie. Et, il urge de le faire : on joue le 8 Juin 2024.

Moralité: Tollo, en bon tolier devait faire le sale boulot et les basses besognes. Quand vint le temps de faire valoir l’intelligence et la sagesse, il fût prié de se tenir à bonne distance; de gagner le large, au profit de Dissake. Homme réputé modéré et moins zélé. Eto’o, lui, était toujours là.

Ça veut dire ce que ça veut dire.

Je ne sais pas combien de temps la détente amorcée hier va durer. Mais, je souhaite que ce soit le début d’une sortie de crise durable, en attendant d’en tirer toutes les conclusions et conséquences au plan politique.

En tout état de cause, des têtes vont tomber. Ne me demandez pas lesquelles.

Ce n’est qu’un avis.

Camerounaisement et footballistiquement vôtre !

Badal

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